Etude de la charge mentale mesurée par le diamètre pupillaire durant une tâche d’estimation de probabilité diagnostique causale
Jean-Louis STILGENBAUER, Chercheur, Université Paris 8, Laboratoire CHArt, France
Les raisonnements causaux permettent de révéler la structure causale des systèmes qui nous entourent, ils sont en cela fondamentaux pour accéder à la compréhension intime du monde. Ici, nous nous focalisons sur une forme élémentaire de raisonnement diagnostique qui consiste à estimer les chances pour qu’une cause particulière déclenche un certain type d’effet. D’un point de vue formel, il s’agit pour un raisonneur d’estimer la probabilité conditionnelle diagnostique Pr(cause|effet). Baratgin & Stilgenbauer, (2020) et Stilgenbauer & Baratgin, (2018), ont montré que les individus pouvaient suivent deux grandes stratégies pour estimer cette probabilité. La première consiste à réaliser une déduction incertaine qui prend la forme d’un Modus Ponens defeasible (DMP) : effet ; si effet alors probablement cause ; donc probablement cause. La seconde stratégie possible consiste à former un raisonnement abductif qui repose sur une version defeasible du schéma d’affirmation du conséquent (DAC) : effet ; si cause, alors probablement effet ; donc probablement cause. Des résultats récents (Stilgenbauer, Baratgin, & Douven, 2017 ; Stilgenbauer & Baratgin, 2019) suggèrent que l’estimation de Pr(cause|effet) est globalement plus précise quand les individus raisonnent avec DMP que quand ils font usage de DAC. Dans cette recherche, nous essayons de comprendre ce résultat et nous formulons l’hypothèse que l’estimation de la probabilité diagnostique à travers DMP facilite la mobilisation de ressources cognitives nécessaires à la réalisation de la tâche. A contrario, nous pensons que l’usage de DAC bloque prématurément le recrutement de ces ressources. Pour tester cette hypothèse, nous avons mesuré le diamètre pupillaire de deux groupes de participants chargés d’estimer une valeur de probabilité diagnostique. Les variations de diamètre pupillaire sont effectivement connues pour être corrélés avec l’effort cognitif (Gavas, Tripathy, Chatterjee, & Sinha, 2018 ; Hess & Polt, 1964). Dans notre expérience, un groupe de participants étaient incités à produire une estimation à travers un raisonnement de type DMP et un second groupe étaient incité à raisonner selon DAC. Les résultats confirment notre hypothèse, en moyenne les diamètres pupillaires des participants sont plus importants dans le groupe DMP que dans le groupe DAC. Ces nouvelles données suggèrent que la stratégie d’estimation de la probabilité diagnostique (DMP vs DAC) module plus ou moins fortement la quantité de ressources cognitives engagées durant une activité de raisonnement diagnostique.